"L’humanité, c’est quelque chose de dangereux". Germaine Tillion
Dans un village du sud de l’Italie, où la vie est rythmée par les célébrations liturgiques, nous sommes invités à suivre une procession étrange, la traversée de Maria, qui, pas à pas, s'approche de son destin.
Maria, jeune fille sans histoire, soeur de Simone, surnommé Jésus-Christ en raison de sa ressemblance avec ce dernier - ressemblance qui lui confère l’honneur de jouer le rôle du Christ lors de la Passion vivante du vendredi saint - Maria est agressée un soir de fête.
Dans ce pays d’hommes et de traditions, cette jeune fille décide de se rendre justice seule, en face à face, pour exprimer sa révolte contre l’injustice de ce monde qui piétine l’innocence et perverti la beauté.
Elle marche alors vers son bourreau, inexorablement, mue par une colère noire.
Pas à pas, échos après rumeurs, la nouvelle se répand dans tout le village, qui la suit jusqu'au lieu du dénouement.
Les faits qui surgissent alors révèlent à chacun ce que peut-être il ignorait de lui même : son humanité résiliente. Et ce qui la précède : une fragile dignité face à une violence ancrée au cœur même de la vie.
LA MISE EN SCENE
Pourquoi choisir de mettre en scène cette pièce ?
La lecture de ce texte a été pour moi un véritable coup de cœur.
Il sort le sujet – le viol – hors des sentiers battus et de sa sphère politique, et l’ancre au cœur de l’humain. Il fait ainsi résonner avec force la puissance symbolique et sociétale de ces faits de violence, trop longtemps banalisés.
Ce texte, magistralement écrit et traduit, est sensuel et incisif.
L’auteur parvient à nous faire entrevoir le monde et une infinité de nuances par la magie du récit, de l’incarnation, du plateau et de l’imaginaire.
Et c’est précisément sur ces forces de l’écriture que se reposera ma mise en scène.
Ce texte sera porté par 2 voix, une homme et une femme.
Pourquoi ce choix ?
- Parce que ce texte est le récit d’un affrontement entre un homme et une femme, confrontés chacun à la violence du monde, qui les dépasse.
- Pour éviter tout prisme « unigenré » qui prêterait une volonté politique à cette traversée.
- Pour préserver le dialogue au plateau et utiliser cette force du dialogue sur scène pour renforcer le rythme, les rebonds, les ruptures, les effets comiques.
- Cette dualité permettra également de garder « en vie », en émotions les personnages même lorsqu’ils sortent de la trajectoire du récit et de faire saillir intensément les non-dits.
- La répartition entre l’un et l’autre des artistes ne sera pas dictée par le genre des personnages mais par le choix de défendre chaque personnage au plus juste, la comédienne pourra ainsi interpréter des rôles d’hommes et inversement.
La scénographie sera très simple.
…Peu de décors : un buffet d’où surgit le revolver, une table pas totalement desservie, quelques chaises qui symboliseront, à la fois, le point de départ (la salle à manger de Maria) et le point d’arrivée, le magasin de meubles. Ces éléments serviront également de support au jeu des acteurs.
…Quelques accessoires, quelques fragments de costumes, portés ou non, comme des notes de couleurs, des bulles de répit.
Les 2 éléments majeurs sur lesquels je m’appuierai en dehors du texte et des comédiens seront la lumière et le son.
La lumière créera des prismes, des lignes de fuite, et aidera au mouvement du récit. Elle se focalisera sur un élément, une jambe, un buste, des crampons...Elle créera des ruptures, des surprises, des moments volontairement floutés.
Au besoin, certains effets seront construits avec des méthodes propres à la magie nouvelle (apparition/ disparition/ pepper's Ghost...(ce recours à ce stade est encore très hypothétique))
Une création musicale sera composée pour le spectacle, qui alliera sons traditionnels et partitions contemporaines.
Certains sons de « vie » seront également enregistrés, d’autres seront produits au plateau par les comédiens.
« L'absurde naît de cette confrontation entre l'appel humain et le silence déraisonnable du monde », disait Camus. Oscar de Summa tire de ce silence- celui de tout un village- un autre constat : la possibilité à la victime et au bourreau d’exprimer à chacun sa vérité, sans excuse.